Quels seront les enjeux des élections municipales de 2026 pour l’ensemble des formations politiques ? Partant notamment des résultats des dernières élections européennes et législatives et de l’orientation politique des maires élus en 2020 dans les villes de plus de 10 000 habitants, la fondation Jean-Jaurès décrypte les chances de succès de chaque parti en fonction de ses propres enjeux. Une analyse d’autant plus intéressante que, comme le rappellent les chercheurs, les prochaines municipales devraient être l’ultime compétition électorale avant les élections présidentielles. En outre, ce sont les élections qui mobilisent le plus. Par ailleurs, les maires fournissent l’essentiel des cinq cents parrainages exigés pour pouvoir présenter un candidat aux présidentielles.
Pour la France insoumise (LFI), le pari sera de s’ancrer durablement dans ses terres d’élections législatives. L’étude rappelle l’erreur stratégique du parti lors des municipales de 2020 et des régionales de 2021, qui avait tenté de monter des « listes citoyennes » pour « déborder des structures partisanes, encore résilientes, peu enclines à lui faire une place au sein des conseils municipaux ». Stratégie qui avait conduit LFI à « quasiment disparaître de l’élection, et à parfois se maintenir au second tour contre une autre liste de gauche face à un maire de droite sortant ».
Actuellement, 155 communes de plus de 10 000 habitants ont un député LFI et deux tiers sont dirigées par un maire de gauche. Les villes de plus de 10 000 habitants ne comptant aucun maire LFI, la progression du parti est « certaine, quasi automatique ». D’autant que les députés LFI sont souvent élus dans les meilleures circonscriptions, les plus ancrées à gauche. Toutefois, en comparant les scrutins de 2022 et 2024, il apparaît que les « candidats LFI ne surperforment pas », précise l’étude qui constate en outre qu’en 2026, le parti de Jean-Luc Mélenchon devra trouver assez de candidats pour former une liste et qu’il faudra que « la concurrence à gauche soit écrasée ».
Un double risque pour le PS
En 2020, malgré quelques pertes, le parti socialiste (PS), « laissé pour mort » trois ans plus tôt, avait plutôt bien résisté, conservant Nantes, Rennes, Lille, Paris – et Marseille revenant dans son giron un an plus tard. Toutefois, les résultats de 2020 n’ont pas contrebalancé les nombreuses pertes des socialistes en 2014. Ils n’incarnaient pas à eux seuls l’opposition au pouvoir en place, que les Républicains et la droite en général pouvaient aussi prétendre incarner. L’étude évoque un double risque pour le PS : mal gérer les successions et voir leurs concurrents LFI et écologistes s’implanter et leur prendre de la place. Dans les communes de plus de 10 000 habitants comptant un député socialiste, un peu plus de la moitié ont un maire issu de la gauche.
En 2020, Les Écologistes ont fait une percée remarquable, en prenant Strasbourg, Tours, Bordeaux, Poitiers, Besançon et Lyon, et en conservant Grenoble. Mais ils sont face à des difficultés spécifiques. Ils sont élus dans des métropoles ou des grandes villes dont l’électorat varie, selon les scrutins et les tendances des sondages, entre le PS, LFI et l’ancienne majorité présidentielle. En outre, la base du parti est plus à gauche que ses dirigeants. Sans compter que, dans la plupart des communes, Les Écologistes s’inscrivent dans des coalitions au périmètre politique très varié. Pour eux, les prochaines municipales « ne seront donc pas simples à gérer ».
Après l’échec de 2017, Les Républicains (LR) ont triomphé lors des municipales de 2020, gagnant plus de 30 % des 920 villes de plus de 10 000 habitants, et devenant la première force, en tête loin devant le PS. Depuis, le contexte a changé et le décrochage de 2019 aux européennes a été confirmé deux fois depuis 2020 : en 2022, lors des présidentielles et en 2024 pour les européennes. Dans le détail, 8,57 % seulement des maires LR ont un député LR élu sur leur territoire, 25 % un député RN et 27,5 % un député du bloc présidentiel. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’implantation de députés RN dans les villes LR atteint 83 %. Les résultats des dernières législatives montrent que se referme sur LR « la mâchoire constituée par le bloc présidentiel sur sa gauche et le RN sur sa droite ». S’ajoute, en Île-de-France, la concurrence de LFI en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d’Oise.
Concernant le Rassemblement national (RN) qui conservera certainement les villes qu’il gouverne aujourd’hui, la question est de savoir s’il sera en mesure de prendre des villes, combien et à qui.
Quant au bloc présidentiel, au-delà de circonstances locales, l’essentiel pour lui résidera dans sa capacité à se rassembler, au moins dans les communes que l’une ou l’autre de ses composantes dirigent. Faute de quoi, la sanction risque d’être particulièrement lourde.
Marie Gasnier