Transport : le modèle de financement des infrastructures est « à bout de souffle »

Publié le 6 mai 2025 à 12h40 - par

« Notre modèle de financement des infrastructures de transport est aujourd’hui à bout de souffle », a déclaré lundi 5 mai 2025 le Premier ministre François Bayrou, lors du lancement à Marseille d’une grande conférence, baptisée « Ambition France Transports », qui va durer deux mois et doit dégager des pistes de financement pour les transports de demain.

Transport : le modèle de financement des infrastructures est "à bout de souffle", alerte François Bayrou
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« Plusieurs dizaines de milliards d’euros sont nécessaires pour régénérer et moderniser notre réseau ferroviaire, ainsi que nos routes et autoroutes non concédées », a insisté le Premier ministre, alors que la France doit trouver 40 milliards d’économie pour son budget 2026.

Dominique Bussereau préside la conférence « Ambition France Transports »

La conférence, baptisée Ambition France Transports et présidée par l’ancien secrétaire d’État aux Transports Dominique Bussereau, doit proposer des scénarios pour sécuriser des financements pérennes avec trois ambitions : régénérer et moderniser les réseaux de transports, augmenter l’offre et accélérer la transition écologique.

Ambition France Transports, dont les travaux doivent se terminer mi-juillet, sera organisée sous forme de quatre ateliers, réunissant chacun entre 10 et 15 participants (élus, professionnels, économistes).

Pour atteindre les objectifs fixés lors de la troisième stratégie nationale bas carbone, la fréquentation des transports publics doit augmenter de 25 % d’ici 2030.

Le secteur des transports est responsable d’un tiers du total des émissions de gaz à effet de serre en France, l’immense majorité à cause de la route. Les infrastructures de transport doivent aussi s’adapter au changement climatique avec les vagues de chaleur, inondations ou glissements de terrains qui viennent accélérer la dégradation des ouvrages.

Ruralité

« Les engagements de l’État n’ont cessé de s’accumuler sans mettre les moyens en face », a souligné François Bayrou.

En 2023, la Première ministre de l’époque Élisabeth Borne annonçait notamment un plan d’investissements de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici 2040. Une promesse qui peine aujourd’hui à se concrétiser.

« Les 100 milliards n’ont pas été totalement budgétisés, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais pour autant, il en reste quelque chose », a répondu le ministre chargé des Transports Philippe Tabarot, soulignant l’augmentation des investissements pour l’entretien du réseau ferroviaire. Une hausse des crédits uniquement permis par les bénéfices de la SNCF.

L’AMF plaide pour un nouveau modèle de financement des infrastructures de transport

L’Association des Maires de France (AMF) a déploré de son côté de ne pas avoir été associée au groupe de réflexion sur la mobilité routière. Pourtant, « elle représente les collectivités en charge de 65 % du réseau routier national ».

Les communes doivent gérer « 717 000 km de voies, soit 65,5 % du réseau routier français, et 120 000 ouvrages » alors qu’elles « n’ont aucune ressource dédiée et font face à des charges croissantes », notamment du fait du dérèglement climatique, a alerté l’Association des Maires de France (AMF).

« Qu’on le veuille ou non, 90 % des déplacements des Français sont aujourd’hui effectués en voiture et ce pourcentage n’a pas changé depuis une trentaine d’années », observait David Lisnard, président de l’AMF, lors d’une conférence le 22 avril, pour qui « parler du financement des transports c’est évidemment parler de la réalité automobile ». Parallèlement, les normes de sécurité, de signalétique, de matériaux, ainsi que les attentes en matière de décarbonation des transports n’ont cessé d’augmenter.

Les maires estiment le coût global d’entretien des routes à 15 milliards d’euros par an pour les  communes, qui gèrent également plus de 120 000 ponts, dont 30 % nécessitent des travaux. La loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, qui devait par ailleurs garantir l’accès de tous les Français aux transports, n’a pas permis de désenclaver les zones rurales, note l’association.

L’association assure aussi qu’elle sera attentive à la prise en compte des zones rurales, moins dotées que les villes en transports collectifs.

Avenir des autoroutes

L’un des ateliers portera sur le financement des transports du quotidien et en particulier les SERM (Services express régionaux métropolitains, les fameux RER métropolitains annoncés en 2022). Un atelier concernera la mobilité routière et notamment l’avenir des concessions autoroutières qui arrivent toutes à échéance entre 2031 et 2036, un autre le ferroviaire et un dernier le fret.

La fin des concessions autoroutières, exploitées dans leur immense majorité par trois grands groupes (Vinci, Eiffage et l’Espagnol Abertis), devrait occuper une grande partie des débats.

Elle « offre une opportunité sans précédent pour les pouvoirs publics de rediriger les recettes des péages de manière durable vers les projets de transport », a relevé François Bayrou. « Je me souviens qu’en 2005, j’avais été bien seul à m’émouvoir, lorsque le gouvernement avait décidé de céder ses parts dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes », a-t-il rappelé.

« L’État, je le crois, s’est volontairement privé d’une ressource qui était le véritable patrimoine des Français et qui aurait pu abonder de manière pérenne le secteur des transports pour trouver de nouveaux investissements, de nouveaux financements », a-t-il poursuivi, sans vouloir révéler quel modèle aurait sa préférence à l’avenir.

Les sociétés concessionnaires réalisent environ 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Pour défendre leur modèle, elles affirment assumer de nombreux investissements, à commencer par l’installation de bornes électriques dont le nombre sur les aires d’autoroute devra être multiplié par dix d’ici 2035 pour répondre à la demande, selon l’une d’entre elles.

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