Portraits d'acteurs
Emmanuel Faivre
DGS du Département du Doubs
« On rêve après 20 années de vie professionnelle au sein de la territoriale de faire bouger nos institutions et réenchanter la décentralisation. »
Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?
Emmanuel Faivre : Je suis docteur en géographie et en aménagement du territoire de l'Université de Franche-Comté à la suite d'une thèse dédiée à la relation entre les infrastructures de transport et le développement territorial. Cette thèse était assez innovante pour l'époque car co-financée par le CNRS, une entreprise (Autoroutes Paris Rhin Rhône) et une collectivité (Conseil régional de Franche-Comté). C'est cette spécificité qui m'a conduit sans le savoir vers la territoriale. Après la soutenance de ma thèse, j'ai fait deux années comme chercheur associé au laboratoire Théma-UMR CNRS où j'avais la charge du bilan économique de l'observatoire de l'autoroute A39. C'est à cette occasion que j'ai rencontré Yves Krattinger, Président du Conseil départemental de la Haute-Saône. Il m'a d'abord confié une mission sur l'accueil du TGV Rhin-Rhône dans son département. Puis rapidement dès 2010, je suis devenu son directeur de cabinet puis son DGS au département de la Haute-Saône. En 2022, j'ai rejoint la Présidente Christine Bouquin comme DGS du département du Doubs, poste que j'occupe actuellement.
Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?
Emmanuel Faivre : Chef d'orchestre - exigeant – gestion des temps (temps politique, temps administratif, les urgences, la stratégie sur le temps long...).
Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?
Emmanuel Faivre : J'en vois trois majeures : l'énergie, la capacité à décider, la pédagogie pour faire travailler ensemble des mondes différents (élus-services, administratif-technique-social-culture, État-territoriale).
Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?
Emmanuel Faivre : C'est assez convenu mais j'imagine que ce qui me fait me lever le matin réside dans le plaisir que je tire de mon métier au quotidien tout simplement. Je suis quelqu'un qui planifie beaucoup donc quand je me lève, je connais parfaitement le programme de ma journée. Même s'il y a souvent des imprévus, je prépare toujours la journée du lendemain. Le jour où je n'aurai plus cette flamme, je changerai sans état d'âme car je veux garder l'envie de me lever du matin. C'est peut-être que je suis plus du matin que du soir donc il ne faut pas gâcher les premières heures de la journée !
Quel est le projet qui vous a le plus marqué ou dont vous parleriez avec fierté ?
Emmanuel Faivre : Si je devais n'en retenir qu'un : c'est la création de toute pièce en 2012 de la désormais mythique Planche des belles filles (Haute-Saône) via l'arrivée du Tour de France cycliste avec Yves Krattinger et Christian Prudhomme. Comment d'un problème (le département était propriétaire d'une petite station de ski fortement déficitaire à 1 000 mètres d'altitude au fond d'une vallée en souffrance), nous en avons fait un atout maître, une locomotive touristique locale et un booster d'attractivité à l'échelle mondiale. En 10 années, nous avons reçu 6 fois le Tour de France (hommes et femmes). Le plus important est que nous n'avions pas mesuré combien ça rendait fier les haut-saônois qui se sont trop longtemps dévalorisés (le syndrome de « la haute patate »). Avec la Planche, on leur a redonné de la fierté, source essentielle d'énergie pour agir et entreprendre en ruralité ! Chaque organisation d'arrivée était également un puissant outil de management des équipes du département. Inoubliable !
Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?
Emmanuel Faivre : On rêve après 20 années de vie professionnelle au sein de la territoriale de faire bouger nos institutions et réenchanter la décentralisation. À cet effet, je viens de sortir un essai intitulé « Débloquer la France : appel à fédéraliser les territoires » aux éditions Atlande. Je cherche à proposer une autre vision pour faire évoluer nos institutions et surtout changer d'état d'esprit dans la conduite de l'action publique. Il est temps de lancer le débat, non pas pour juste commenter la situation mais pour proposer enfin des solutions concrètes aux blocages de nos institutions et plus largement de la France. Il est temps d'oser un changement radical et profond. Mon idée est d'élargir les habituelles réflexions franco-françaises pour sortir des blocages issus de notre culture centralisatrice. Je plaide ainsi pour s'inspirer des idées fédérales autour de leurs 4 principes fondateurs (subsidiarité, autonomie, solidarité, culture du consensus). Je pense que ça peut nourrir un débat de fond. C'est vital car une démocratie qui ne s'interroge plus sur ces sujets est en danger.
Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?
Emmanuel Faivre : Je suis un pur produit de l'école de la République et j'ai eu la chance de rencontrer des personnalités inspirantes qui m'ont accompagné avec bienveillance et exigence. Mon professeur d'histoire-géographie au collège de Champagnole (Jura) qui m'a fait prendre conscience de mon potentiel et de ma passion des territoires, mon directeur de thèse qui m'a convaincu que je pouvais soutenir une thèse, moi le fils d'ouvriers, Yves Krattinger qui m'a nommé DGS d'une collectivité de 1 200 agents à trente ans sans expérience administrative et plus récemment Christine Bouquin qui me permet de m'épanouir comme DGS au quotidien mais aussi comme éclaireur sur des sujets d'avenir.
Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?
Emmanuel Faivre : « Le territoire est un langage. Si on ne le parle pas dès l'enfance, il manque toujours quelque chose ». (Éric Plamondon). Je suis très attaché aux territoires depuis mon enfance dans le Jura. Je suis géographe de formation et je travaille au service des territoires. J'adore le côté « paysages » comme lorsque je traverse la France en voiture ou en train. Les rares fois où je peux la survoler, j'ai beaucoup d'émotions de la voir apparaitre sous mes yeux. Et puis, il y a le côté humain. Je suis très touché par exemple par l'analyse de Jean Dumonteil dans son éloge du local qui identifie « les somewhere » et les « anywhere » ; « les gens qui sont de quelque part avec des racines » et « les gens de n'importe où ». Pour moi, c'est très important de me sentir de quelque part.
Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?
Emmanuel Faivre : Je fais beaucoup de sport depuis toujours en famille et entre amis et ce, presque tous les jours. C'est aussi bon pour le corps que pour la tête !
Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?
Emmanuel Faivre : Le mouvement des gilets jaunes en 2018 m'a beaucoup marqué. Il a été fort en Haute-Saône ou chez moi dans le Jura. Des amis d'enfance ou des agents de ma collectivité étaient sur les ronds-points. Ça m'a fait prendre conscience que si l'échange est brisé entre les décideurs et une partie des citoyens, le Pays court à la catastrophe. C'est pourquoi, ma porte de DGS est toujours ouverte aux élus locaux, aux responsables de la société civile, aux organisations syndicales et à tous les agents de la collectivité... C'est la base de tout collectif.
Plus récemment, j'ai été marqué aussi par les JO en France. J'ai la chance d'avoir pu y aller en famille pendant une semaine : c'était magique et pourtant que l'accouchement fut dur et tellement symptomatique de notre pays. Nous avons accueilli la flamme olympique le 25 juin 2024 dans le Doubs contre vents et marrées au début. La Présidente a tenu bon et résultat : 50 000 doubiens dont une majorité de jeunes étaient là le jour J pour l'accueillir. On a senti une ferveur qui naissait ! Puis toutes les critiques et les peurs se sont évanouies à l'ouverture des JO et c'était grandiose à vivre derrière la TV et sur place avec une réelle fraternité et un grand respect entre les citoyens du monde entier, les forces de l'ordre... C'était exceptionnel à vivre. Mes enfants sont marqués à vie et ma femme et moi aussi ! Je me dis que c'est possible par moment de retrouver collectivement ce sentiment de concorde nationale !
Propos recueillis par Hugues Perinel
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