L’intégration après cinq ans de détachement est-elle obligatoire ?

Publié le 12 juin 2025 à 14h15 - par

Dans le cadre de la mobilité professionnelle des agents publics, le détachement constitue une position statutaire fréquemment mobilisée dans la fonction publique territoriale. Ce dispositif permet à un fonctionnaire d’exercer temporairement ses fonctions au sein d’une autre administration ou collectivité, tout en conservant ses droits à l’avancement et à la retraite dans son corps ou cadre d’emplois d’origine. Toutefois, ce mécanisme temporaire ne saurait se prolonger indéfiniment sans qu’une réelle perspective d’intégration ne soit envisagée.

L'intégration après cinq ans de détachement est-elle obligatoire ?
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Un jugement récent du tribunal administratif de Limoges (arrêt n° 2401425 du 15 avril 2025) rappelle avec fermeté l’obligation qui incombe à l’administration d’examiner et de proposer l’intégration d’un fonctionnaire au terme de cinq années continues de détachement, sans attendre la fin de la période autorisée.

Le cadre juridique du détachement et de l’intégration dans la fonction publique territoriale

Le détachement est régi par les articles L. 512-1 à L. 512-6 du Code général de la fonction publique, complété par le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986. Il permet aux fonctionnaires d’exercer temporairement leurs fonctions dans une administration ou collectivité autre que celle d’origine. La durée initiale du détachement est fixée à cinq ans maximum, renouvelable, sous réserve de l’accord des deux parties. L’objectif est de favoriser la mobilité et l’enrichissement professionnel tout en assurant une certaine souplesse de gestion pour les employeurs publics.
Selon l’article 15 du décret précité, un fonctionnaire détaché de manière continue depuis cinq dans dans le même cadre d’emplois doit se voir proposer son intégration. Cette exigence vise à prévenir les situations de dépendance prolongée au détachement, contraires à l’esprit du statut général, et à assurer une stabilité statutaire aux  agents ayant fait preuve de leur capacité à exercer les missions dévolues à leur nouvel emploi. En effet, l’intégration constitue une reconnaissance du professionnalisme et de l’adéquation de l’agent à son poste, consolidant ainsi la cohérence des parcours professionnels.

Détachement : l’apport de l’arrêt n° 2401425 du tribunal administratif de Limoges du 15 avril 2025

Dans son jugement n° 2401425, le tribunal administratif de Limoges affirme que l’administration d’accueil ne peut différer la proposition d’intégration au motif que la durée de détachement n’est pas encore échue. Le dépassement du seuil de cinq ans de détachement continu fait naître une obligation positive : l’administration est tenue de proposer l’intégration, quelle que soit la durée restante de la période de détachement initialement autorisée. Le juge administratif insiste ainsi sur la portée contraignante de cette obligation, en rappelant que le droit à l’intégration n’est ni conditionné à une demande de l’agent ni à une appréciation discrétionnaire de l’administration.
Cette décision impose aux collectivités territoriales une rigueur accrue dans le suivi des agents détachés. Une fois le cap des cinq années atteint, il appartient à l’administration d’engager sans tarder la procédure d’intégration, sous peine d’encourir un risque contentieux. Cela suppose une gestion prévisionnelle attentive des mobilités et une coordination efficace entre les services de Ressources humaines, les directions opérationnelles et les instances statutaires compétentes. La mise en place d’outils de suivi automatisé des échéances de détachement ou encore la rédaction de procédures internes normalisées peut constituer une réponse organisationnelle efficace à cette exigence.

La décision du tribunal administratif de Limoges du 15 avril 2025 constitue un rappel à l’ordre salutaire. Elle rappelle que l’administration ne peut se dérober à ses responsabilités statutaires en invoquant des contingences administratives ou des reports tacites. L’intégration d’un agent détaché au terme de cinq années de service continu est une obligation claire, qui participe à la sécurité juridique de la collectivité autant qu’à la reconnaissance professionnelle de l’agent concerné. Les DRH territoriaux ont tout intérêt à anticiper ces échéances pour s’assurer d’une gestion conforme et sécurisée des mobilités. Cela implique également une sensibilisation des encadrants à ces enjeux, pour qu’ils puissent accompagner les agents concernés dans cette transition statutaire.

Texte de référence : Arrêt du tribunal administratif de Limoges, 1re chambre, 15 avril 2025, n° 2401425